Une fourmilière Ardèchoise

Classe unique de Marie-Chantal d'Affroux

Vous grimpez, vous descendez, vous regrimpez, vous redescendez, vous re .. vous sinuez, vous tournicotez ... et finalement vous débouchez dans l’unique ruelle tortueuse qui partage une poignée de maisons grises. St-Jean de Chambre. Un peu en contrebas, surplombant le plateau, l’école de Marie-Chantal d’AFFROUX. bien à part, bien visible sous la garde de l’austère mur du temple et des fenêtres vigilantes de l’ancien instituteur.

Difficile de voir où est la cour : il y a des niveaux herbeux différents, des buissons, des buissons, des vieilles resserres, des escaliers de terre ... Il y a bien un préau ! et même, juste au pied du temple, un petit champ en friche. “Le maire ne veut pas qu’on l’occupe, soi-disant par sécurité ! Et nous on le veut pour faire un jardin avec plein d’arbres fruitiers d’autrefois. Mais on l’aura !”

Vous grimpez l’escalier .... et vous tombez dans une véritable fourmilière ! Dans le grand couloir, là où il y a les lavabos, une petite drôlesse, transformée en iroquoise par la magie de quelques coups de feutres, se régale à touiller consciencieusement ses pots de peinture. Une autre choisi soigneusement la plus belle des pommes d’un grand cageot plein à ras bord. Ca passe, affairé. Il y a 3 portes, ouvertes. 3 salles. Partout ... on fait ! Quoi ?

L’étranger comme moi a du mal à y voir clair, tout au moins du premier coup ! L’impression d’un extraordinaire .. bazar ! Et puis peu à peu on comprend ! On comprend que les petits (3, 4, ans..) sont plutôt dans la salle du fond. D’ailleurs il y a de la moquette ! Et puis une dame ! Mais aussi quelques grands ! tiens, qu’est-ce qu’ils peuvent bien y faire ? pourtant cela à l’air normal.

Et puis dans cette seconde salle, pas de doute, il y a l’atelier peinture, le castelet, des maquettes en cours de réalisation, des “toiles” qui sèchent ... et puis un grand salon un peu séparé. Ce doit être un coin pour lire. Sur la grande table, mon iroquoise est revenue à son oeuvre et, au passage, David, le plus grand de la classe, s’arrête au-dessus de son épaule et, très paternel, lui explique comment elle pourrait mieux mélanger ses couleurs.

Je finis par arriver là où il devrait y avoir le bureau de la maîtresse. Impossible à distinguer ce bureau, par contre la fourmilière y est encore en plus grande activité. Entre la salle de rédaction d’un grand journal, les bureaux d’une agence de pub et ... Beaubourg ou la bibliothèque nationale ! Il ne manquerait plus que la maîtresse ait le cigare au bec !

Cela s’active partout. Et Marie-Chantal, impériale, répond aux uns, rappelle aux autres, arrête une course, décoince le téléphone, attache un lacet, corrige une faute, retrouve les photos, calme l’iroquoise, explique l’opération, nettoie les mains de l’iroquoise, ... et n’en continue pas moins de discuter avec moi l’intrus ! Le téléphone sonne, les messages s’affichent, un parent passe, il y a une dame à l’ordinateur ....

Bref, 16 H 30 arrivent. L’école se vide. Avec stupéfaction je m’aperçois qu’un immense exposé avec photos et textes est affiché au tableau, prêt pour le lendemain, qu’une bonne dizaine de messages télématiques, de lettres et leurs réponses, sans fautes, sont également affichées. Les peintures sont à leur place. La maquette est terminée. Des problèmes sont à corriger .... Tout se faisait. Tout se faisait partout. Mieux, une quantité étonnante de choses se faisaient dans une étonnante complexité.

Tout n’est que problème de repères

Je ne suis pas tout à fait un visiteur inexpérimenté pour ne pas m’être aperçu à quel point Marie-Chantal permettait à ce qui aurait pu apparaître comme quelque chose d’épouvantablement désordonné d’être au contraire complètement harmonieux. Et si les repères spatio-temporels sont difficiles à percevoir parce qu’essentiellement construits par les enfants et le groupe, MC a elle la capacité de tous les situer et d’aider les enfants à s’y mouvoir.

Dans beaucoup d’autres classes ces repères sont plus marqués, plus visibles, parce que en partie posés au préalable par l’enseignant. C’est plus facile pour lui, parfois aussi pour les enfants. En apparence cela fait de grosses différences, mais la complexité réelle sera la même.

Un des problèmes de la création d’un groupe, de son évolution est bien celui de la pose et de la présence de ces repères. Il peut être règlé de différentes façons qui dépendent des lieux, des enfants, du moment ... et de l’enseignant. Ce qui fait une infinie variété de classes paraissant différentes, étant différentes, uniques .... mais finalement obéissant aux mêmes principes.

Mais tout cela n’est possible que par un espace suffisamment grand permettant justement cette mobilité, cette autonomie... et d’innombrables repères.

“L’an prochain nous allons faire tomber la cloison du couloir, ouvrir une porte ici .........récupérer le champ d’à côté” Heureux ardéchois !

extrait de Marelle 95, B.Collot