Histoires de cabanes, de WC, de jardins, de mare.....

Comment Julien nous a forcé à trouver de l'espace
Emilie y venait écrire, Anthony rêver ...
D'anciens WC... où l'on voit tout le temps du monde
Un jardin qui fait partie des ateliers permanents

 

Comment Julien nous a forcé à trouver de l'espace

Julien ne sait pas reconnaître au premier abord UN, UNE, LA après un an et demi de CP. Echec scolaire ? Non échec de l'institution ! La question est en amont. Julien n'est pas motivé, ne fait aucune relation entre ce que je veux qu'il apprenne et ce dont il a besoin pour vivre, ses centres d'intérêt.

Comment motiver un enfant  ? Comment lui permettre d'exprimer un JE ? Comment lui permettre d'être actif au sein du groupe-classe ?

Julien prend rarement la parole car ce qu'il a dans la tête est brouillé ou alors il n'arrive pas à aligner 4 mots pour que ce soit compréhensible ... Bref, j'ai lancé "l'ATELIER" pour lui d'abord, pour les autres ensuite. Je croyais ne pas avoir de place !

On a vidé ensemble une salle débarras en un après-midi. On a transpiré, on a vu des vieilleries d'il y a 10 ans et plus, on a fait le vide, on a apporté nos trucs, nos bidules, nos meubles et LES OUTILS achetés à une foire à 10F à "Leclerc" .... et on en a fait un atelier bricolage, notre atelier.

Les enfants ont apporté clous, planches, vis, tasseaux de chez eux.

Et Julien, dont le papa est couvreur, a fait "comme papa". Il se trouve qu'il sait très bien manier les outils, qu'il sait exactement quand on utilise un serre-joint, des tenailles, des clous de tapissier, de la colle à bois. Et il est passé de "rebus de l'institution" à la place de celui qui sait, qui explique. De l'inibé au créateur. Faut voir ce qu'il a créé mon petit Julien !

La structuration  ? Elle se fait à plein car Julien est maintenant demandeur : "Comment ça s'appelle ? Après 12, c'est combien ? ça va mieux avec cette main-là ... Il faut longtemps pour faire cet objet ? Avec du bois on ne fait pas les mêmes choses qu'avec du fer ou du plastique ...."

Julien ne sait pas encore lire, mais il est demandeur et peut associer une suite de phonèmes à des réalités bien concrètes.

Julien se confronte avec la matière et veut faire passer ce qu'il sait par tous les canaux possibles.

C'est chouette la vie !

Ludovic BAUDIN, Millac, Mars 94

 

 

Emilie y venait écrire, Anthony rêver...

Le papa de Noémie est “scieur”. Nous disposons donc de “relèves” à volonté (les 2 planches incomplètement planes d’un tronc scié en long). Il y en avait un bon stock dans la partie herbeuse de la cour. Autrefois, j’essayais souvent de lancer la construction de cabanes, construction bien sûr hautement pédagogique. Et c’était vraiment un exercice ... scolaire que j’avais encore plus de mal à “faire passer” qu’un exercice de math, lui au moins sans hypocrisie ! Il y a longtemps que j’y ai renoncé.

Ces relèves ont donc trainé durant des jours dans la partie herbeuse de la cour. Elles ont servi de ponts, de limites de jeux, de barques .... Elles me créaient plutôt du souci, m’obligeant à faire preuve d’autorité pour obtenir des rangements provisoires et sporadiques.

Bien appuyées contre le mur elles créaient souvent un espace ressemblant à une caverne où j’y retrouvait fréquemment petits et grands dans un monde qui m’échappait.

Et puis, un jour des vacances de Pâques, je trouvais dans la cour 3 grands qui avaient arrangé toutes ces planches en une espèce de typee autour de l’accacia. Et je les y ai revus toutes les vacances. Et la cabane n’a pas cessé de changer de forme, jusqu’au moment où ... Sébastien est arrivé.

A Moussac, Sébastien c’est un peu le Julien de Luchapt. En plus grand. Et il manie lui aussi marteau, clous, scies avec la plus grande dextérité. Et commença alors la construction d’une très curieuse structure, fixe cette fois. Une espèce de pyramide inca posée sur 4 piliers constitués de 4 pneus ! Elle créait un espace réel et symbolique puisque les relèves étaient posées ... à plat ! Des murs qui laissent passer l’air, un peu de lumière, qui ne vous coupent pas des autres mais qui vous font une bulle.

Et cette construction, son perfectionnement, ses modifications, ses réparations, son utilisation ... ont duré plus de 6 mois ! Commencée pendant des vacances, elle était toujours là après les vacances suivantes.

Il y a eu des échelles, un “écoutile”, une passerelle ....

Les petits en ont fait un sous-marin, Sébastien son quartier général, Mathilde et Emilie y venaient y écrire des poèmes, Thomas et Kévin y attaquaient leurs ennemis et j’y retrouvait parfois Anthony qui venait y rêver.

Il n’y a jamais eu de règles institutionnées comme par exemple dans le “restaurant” des anciens WC.

Je donnais parfois un coup de tronçonneuse pour aider à supprimer tout ce qui dépassait, vérifiais la solidité de l’ouvrage .....

Et puis, au premier hiver .....

J’ai encore usé de mon autorité pour lancer un chantier de démolition des ruines ... et ça a marché !

Bernard Collot

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

D'anciens WC... où l'on voit tout le temps du monde.

Il y a une quinzaine d’années, nous avons été la première classe unique de la région à avoir des WC ... à l’intérieur ! Les anciens WC, cachés derrière un bouquet de roseaux ont été bouchés, les cloisons abattues, on y a mis 2 vieux bureaux, une “cabine” a été conservée pour ... ranger.

Et ils sont devenus un coin mystérieux, un coin à conciliabules, un coin à constructions imaginaires, un coin à dînettes, un coin ... à tout et surtout un coin pas à moi ! Devant, il y eut même un cimetière à cerf-volants et autres doryphores avec croix, tombes de pierres ...

Les dînettes y étaient assez fréquentes, jusqu’au jour où Olivier et Elodie y invitèrent Burkhard, un étudiant allemand qui passa un mois avec nous. Burkhard sera très certainement un grand pédagogue. Il ne joua pas le jeu, il fut le jeu. Il rentra dans un “vrai” restaurant, mangea de “vrai” poulet ... il donna un véritable coup de baguette magique. J’y fut convié à mon tour, et dégustai très sérieusement mes délicieux petits cailloux...

Et débuta l’aventure du RIKIKI, restaurant de “La Fourmilière”, aventure qui dura plus d’1 an et demi.

Ce fut un aménagement permanent. Le papa d’Olivier était obligé de surveiller attentivement son propre bric à brac qui disparaissait régulièrement ... au “Rikiki”. On y retrouvait de vieux rideaux ... et parfois de moins vieux, il y eut même des stores.

Ce fut la nécessité d’une organisation institutionnelle permanente, sans cesse remise en cause, sans cesse réaménagée. On en parlait presque quotidiennement dans les réunions.

Et je fus même obligé d’ajouter le “Rikiki” comme atelier permanent, c’est à dire que l’on pouvait s’y affairer à tout moment de la journée, comme au jardin ou à l’atelier math.

Et c’est le “Rikiki” qui a appris à écrire à Olivier. Lui qui refusait l’acte d’écrire s’est mis à faire les premières panacartes : “ici le RIKIKI”, puis les premières affiches : “attention, ne touchez pas aux assiettes”, “Qui peut apporter des serviettes pour le Rikiki”, “On ne veut plus que les grands changent ce qu’on a fait aux Rikiki”, “Aujourd’hui il y a du poisson” etc...

On écrivait à Burkhard pour lui parler du Rikiki ... et Burkhard s’intéressait au Rikiki !

Et puis, peu à peu les heurts à propos du Rikiki ne pouvaient plus se résoudre en réunion. Des “vandales” étaient accusés. Il n’y avait plus qu’une poignée d’irréductibles qui tentaient une magie qui n’opérait plus. Plus aucune transformation n’arrivait à recréer l’enchantement ....... Le Rikiki fut désaffecté.

.... Et je vis alors de plus en plus d’enfants, la journée, au bord de la mare. A rêver.

... au fait, Olivier, depuis le Rikiki, lit et écrit sans problèmes. Je crois même que ce sera un grand mathématicien.

B.C. Moussac

 

 

 

 

 

 

 

Un jardin qui fait partie des ateliers permanents

Avoir un jardin, un jardin où l’on peut aller quand on veut, ou quand on en a besoin. Nous avons cette chance. Toutes lespetites écoles de campagne devraient l’avoir puisque, autrefois, le jardin était obligatoire .. pour ceux du certificat. Et il faisit partie de ce que le logement de l’instit devait disposer.

Lorsque Arnaud, Marc et Sébastien arrivent, leur premier geste est d’aller au jardin. Même quand il n’y a rien à y faire.Et je les vois par la fenêtre, marcher le long des allées, s’arrêter, discuter .... comme de vieilles moustaches vertes. J’y vois souvent Mathilde en contemplation devant son plan de fraisier, Kévin, 6 ans, piochant, piochant ...

Il fait bien sûr partie des ateliers permanents. On y va quand on veut. Jean-Noël y a passé de longues heures pour essayer de comprendre comment et pourquoi il fallait qu’il taille ses tomates. De même l’année de “l’autoroute des fourmis”, Yann, Martial y ont passé un temps infini à observer, créer des attentats sur l’autoroute, revenir avec des observations triomphantes .. et surprenantes.

Il y a eu l’aventure des limaces et des escargots qui nous ont fait mobiliser les éthologistes de tout le réseau.

Il a eu, il y a eu ......

Il y a eu aussi toutes les formes d’organisation sterritoriales possibles, depuis le collectivisme le plus pur jusqu’au capitalisme le plus sauvage.

Il y a eu l’implication des parents avec leur moroculteur, avec leurs pioches pour creuser la mare, leurs conseils, leurs encouragements ... et leurs graines ou leurs plants !

Il a eu, il y a eu ... des joies, des plaisirs, du rire ......

Dans une école, vous pouvez jeter les ordinateurs au placard, ignorer internet, fermer vos postes de télé ... vous ne devriez pas pouvoir vous passer de jardin.

Bernard Collot