Les craintes de l'administration

 

 

La substitution de l'Etat à son agent

Le leitmotiv "zéro risque, zéro défaut"

 

 

 

 

La substitution de l'Etat à son agent

Pierrick Descottes

Fallait bien s'y attendre dans le climat actuel où les parapluies sont de rigueur.

Accusé de réception de notre PV du premier conseil d'école de l'année, reçu (seulement !) aujourd'hui. Après n'avoir rien trouvé à redire à notre Règlement Intérieur, qui institue pourtant noir sur blanc la libre-circulation dans les locaux pendant la classe et pendant les récrés (avec "passeports") depuis 3 ans, le voilà qui se réveille cette année.

Je vous livre son aimable prose :

"Circulation dans l'école : après vérification dans le Registre des Lois et Règlements, je n'ai trouvé aucune trace de la circulaire du 20 novembre 1963 (NDR : On s'appuyait entre autres sur cette circulaire qui faisait référence au régime d'auto-discipline qui laissait la porte ouverte à cette libre-circulation...). Il y a donc lieu de penser qu'elle a été abrogée depuis longtemps et qu'il n'est en conséquence plus possible d'y faire référence. Vous voudrez bien cependant m'en tenir copie, pour vérification complémentaire et objet (que veut-il dire au passage par "objet" ?).

Pour ce qui concerne les récréations, je rappelle qu'il s'agit d'un temps prévu normalement à l'emploi du temps des élèves pour se détendre des activités et pour s'oxygéner. Il importe donc qu'ils bénéficient de ce temps. Le fait de laisser seuls des enfants dans une classe pendant ce temps constitue un défaut de surveillance susceptible d'entraîner une mise en cause de la responsabilité des enseignants, y compris pénale, ce qui exclut l'application de la loi de 1937, qui porte sur la substitution de l'Etat à son agent, en responsabilité civile, avec cependant possibilité de mesures récursoires."

Vla qui est dit ! A vos rangs...

Et peu importe si des gamins, qui en ont fait le choix (sous réserve de disposer du passeport tant convoité et donc avec notre autorisation, ces choses qui font grandir), préfèrent rester dans les locaux, tranquilles au chaud, pour préparer ensemble une scènette de théâtre ou une danse encore , au lieu d'aller se crêper le chignon sur une cours nue, pour laquelle on demande désespérément des aménagements depuis de nombreuses années (aménagements freinés au passage par des directives européennes très restrictives en matière de sécurité), c'est désormais le règne de l'ultra-sécurité au détriment de la véritable sécurité reposant sur la responsabilisation des enfants.

Et nous, on n'a pas envie d'abandonner un système qui fonctionne bien et qui s'inscrit complètement dans le projet pédagogique de notre école Freinet.

Je n'interprète pas la réponse de l'IEN (mais peut-être que je me trompe) comme une interdiction mais comme une mise en garde ( parapluie pour lui, bien sûr) sur les risques juridiques que nous encourons.

Suite à la mise en garde de notre IEN, en réponse à l'envoi de notre Règlement Intérieur instituant la libre-circulation dans notre école (Léon Grimault, école Freinet de Rennes), nous avons décidé en conseil de maîtres de maintenir ces pratiques, vaille que vaille. Il faut bien avouer au passage que c'est moi, avec le statut de directeur de l'école qui risque le plus dans l'affaire.

Mais le jour où ça nous arrivera, vous me soutiendrez sans aucun doute, derrière mes barreaux.

 

 

 

 

 

 

Le leithmotiv "zéro risque, zéro défaut"
Pierrick DESCOTTES

Désolé mais je pose ici le problème d'un point de vue politique et sociétal.

Les anciens n'ont pas subi ces dernières années la pression croissante et la montée des procédures en tout genre vers le démagogique risque zéro. Si bien que les plus frileux n'osent sortir de leur classe qu'en récréation avec leur marmaille en rang d'oignons derrière eux.

Zéro risque, zéro défaut : leitmotivs totalement mortifères. Où sont la vie et le droit à l'erreur dans tout ça ?

Et ça participe bien de l'américanisation rampante de nos sociétés. Le métiers d'avocat et d'assureur sont les métiers qui ont le plus d'avenir !!!

Et c'est là, Alain, qu'en posant le problème sur la place publique, quand bien même on va à contre-courant, on dénonce les hypocrisies et le manque de courage qui jouent à l'encontre des droits et du développement élémentaires des enfants. Il ne s'agirait plus en l'occurrence, dans le contexte de frilosité actuelle, de faire progresser nos idées que de s'insurger contre des régressions du système éducatif, d'où on sortira forcément perdant.

Le "pour vivre heureux, restons cachés" a toujours ses limites. Quand tout va bien, ça roule. Mais le jour où ça déraille, il ne nous reste plus qu'à trouver les copains compatissants pour soutenir notre cause.

J'ai beau avoir de l'affection pour le personnage de Don Quichotte, j'ai beau avoir conscience d'un contexte bien peu porteur, ça ne m'empêchera pas de relancer ma proposition d'un MANIFESTE-PETITION POUR LA LIBRE-CIRCULATION DANS LES ECOLES. Suivra qui voudra.

Il nous faudra trouver des relais et en premier lieu, en solliciter du côté des parents, les plus à même de faire pencher la balance. Et puis interpeller aussi les syndicats qui peuvent aussi être des appuis...