Leçons ? exercices ? fiches ? programmes ?...

Toute l'école, tout ce que l'on appelle "enseignement" repose sur ces clefs. Que doit-on en faire ? doit-on les conserver ? les aménager ? les supprimer ?

La transformation des approches conduit immanquablement à ce problème qui n'est pas qu'un problème technique. C'est aussi un problème de représentation, de logique... et de compromis. Mais peut-on y échapper ?

Philippe R, Roland L : les laisser dessiner toute l'année ?

Philippe R, Juliette, Sylvain : les programmes ?

 

 

Elise Freinet cité par Roger B

Plus de manuels ! Plus de leçons ! Voilà de quoi vraiment effrAyer ceux qui sans cesse ont besoin de barrières et de garde-fous pour se raccrocher.  La pratique les rassurera car c'est tout de suite, par les exemples des diverses
disciplines, que Freinet les invite à entrer dans le bain, le bain salutaire de la vie.

Philippe R

les laisser dessiner toute l'année ?

J'aimerais bien savoir (éventuellement voir des vidéos), savoir ce qu'il y a derrière le mot "inviter" ? Les gamins peuvent-ils ne pas faire lorsqu'il les invitait ? Pouvaient-ils proposer autre chose ?

Dans ma classe, il y a des moments obligatoires. "On a groupe" disent-ils.
Les enfants du groupe en question se retrouvent avec moi autour de la table de la réunion. Là, je ne les invite pas. Ils sont avec moi pour répondre à leurs attentes ou aux miennes (ça peut varier fortement d'un moment à l'autre de l'année).
Pour donner une idée, cette année, on a fait 4 groupes et je vois chaque groupe 2 fois par semaine 30 mn (l'année prochaine, je crois que je garderai cette fréquence mais avec 3 groupes seulement)

En dehors de ce temps, ils vaquent à leurs occupations ; parfois, je propose à untel ou à un autre de faire tel truc mais s'il ne veut pas, il ne le fait pas.

Les enfants appellent ça "le temps libre" qui n'est finalement pas si libre que ça puisque certains font ce que le groupe (et surtout eux-mêmes) a plus ou moins décidé en réunion.

Et si/lorsque ça marche, c'est surtout parce qu'ils/lorsqu'ils s'engagent eux-mêmes dans des activités où chacune a la même valeur qu'une autre (du moins, on essaie !). Et ça se passe pendant ce temps "libre", où la dissipation permet cette construction des langages, des personnes.
Après avoir engrangé de la confiance pour les uns ou de la reconnaissance pour les autres, ils s'aventurent vers des activités différentes..

Depuis quelques temps, en dehors des temps de groupe, je m'intéresse surtout aux enfants qui présentent des difficultés.
Et là, par moment, lorsque je sens que cela est nécessaire, je pousse/force un enfant. Là, je me dis que c'est la petite poussette dans le dos que je pourrais donner à l'enfant qui est au bord de la piscine, qui souhaite sauter et qui n'ose pas mais qui a quand même envie. Mais je sais que j'idéalise (car le gamin a rarement envie !!) et je ne suis pas sur du tout que ce soit une bonne attitude (loin de là !). Mais, comme disait un copain sur une autre liste, dure réalité ... on n'a pas beaucoup de temps avec eux ...
Pas facile mais heureusement que j'entends encore les anciens dont Paul au congrès de Nice dire "si un enfant ne veut que dessiner tout au long de l'année, il faut le laisser dessiner ..." qui permettent de contrebalancer avec certaines pulsions.

Quand on a les enfants qu'une année ou deux, c'est quand même pas facile !

Roland L

Même avec les "conseils" des plus anciens et vénérables et imminents spécialistes, j'aurai du mal à laisser dessiner un môme pendant une année !

Ou alors, je lui demanderais de dessiner des portraits, des billets de banque, des cartes de France, des formes géométriques, des lettres, des plans, des schémas, des mécanismes, des phrases, des reproductions, etc

Le temps fait-il toujours une bonne affaire ?

Philippe R

Arriver à partir de ses dessins à ce qu'il utilise d'autres langages .... effectivement ...
Voici donc le cas de B. qui me préoccupe :
B. est en CE1 et manque de confiance en lui et peine à entrer dans le langage écrit notamment. Il n'a pas confiance en lui, il en a énormément besoin.
Il est pourtant en activité et arrive toujours le premier en classe bien avant 8h30.
Sans doute s'aperçoit-il qu'il arrive moins bien dans de nombreuses activités que ses pairs qui constituent un groupe de bon voire très bon niveau.
Pas évident pour moi d'ailleurs d'apprécier son niveau. Cela dit, il est quand même visiblement en difficulté au niveau du langage écrit (texte, codage, lecture).
Aujourd'hui, je lui ai demandé de travailler une fiche d'orthographe tous les jours. J'en ai choisi une avec lui (dans le fichier orthographe PEMF) qui me semblait très facile, largement à sa portée me semblait-il, en espérant qu'il la fasse rapidement. Mais cela n'a pas été le cas. Je me suis fâché à un moment de la journée en espérant que ça le pousse au cul ! Je ne peux pas dire ce soir que mon attitude a été bénéfique pour lui. J'ai même tendance à croire que je me suis planté de stratégie.

Il a quand même de lui même poser un commentaire récemment sur une pagette (qu'on a corrigé ensemble ce matin). Mais il ne parvient pas à distinguer syllabe et mot. Il écrit phonétiquement et semble omnubiler par ça d'ailleurs. Exemple il a écrit "qu'il ne faut pas" "kilnefopa" ou "kilfopas" (je ne m'en rappelle plus).. Je me suis intéressé à la partie "faut pas" en lui disant d'autres phrases comme "il ne mange pas" et il a corrigé en écrivant "fop a". J'étais désemparé. Je l'ai ensuite aidé à corriger son commentaire (je lui disais et il tapait sur l'ordinateur). C'est suite à cela que je lui ai proposé de faire une fiche d'orthographe tous les jours.

J'avais déjà repérer ces difficultés en début d'année (il est arrivé dans ma classe en septembre) mais je n'ai pas l'impression qu'il évolue dans ce domaine.
Que faire ?
Apparemment, ma proposition ne va pas être efficace. On ne va pas l'abandonner mais je ne vais pas le saouler avec ces fiches d'orthographe de peur qu'il se braque encore davantage.

Sans doute faut-il donc que je parte de ses dessins. D'ailleurs, il a déjà fait une sorte de BD à la maison qu'il avait présenté fièrement à la classe lors de la réunion (vers Noël) je crois. Mais cela faisait suite à une réunion que j'ai eu avec ses parents qui avaient donc du l'inciter à la maison. Mais c'était bien.

Cet échange et ton message Roland me rappellent que je dois repartir de ses dessins et pourquoi pas lui proposer de faire une nouvelle B.D.
Ca tombe bien d'ailleurs puisque qu'un concours a été organisé par l'école de Challex sur le réseau Marelle, concours qui a eu un effet à la réunion puisqu'un autre enfant en avait fait une. Du coup, ils sont quelques uns à se lancer dans les BD mais pas B.
- Je pourrais aller le voir et le lui proposer. Mais, quelle sera l'efficacité de ma proposition ?
- Ou alors, j'attends un peu, j'essaie de l'observer davantage pour voir si les BD des autres semblent l'intéresser afin de saisir un moment opportun pour dire un truc du genre "B. pourrait vous aider, il en déjà fait une !". C'est rigolo, car en écrivant ça, je me rends compte que j'ai raté le coup aujourd'hui lorsque L. et N. ont demandé de l'aide à la réunion pour leur BD !
- Ou alors, je laisse complètement faire jusqu'à l'envoi des quelques BD réalisés.

Ninon

j'ai dans ma classe un enfant qui présente un peu les mêmes difficultés que B. décrit par Philippe. Il est dans sa 4ème année de  Cycle II. Je savais qu'il était en difficulté, à l'écrit. Mais comme il
écrivait peu... difficile à mesurer. Lorsqu'il faisait des fiches ortho, il savait recopier les mots déjà donnés, et pouvait faire illusion.
Au second trimestre, il a commencé à produire des textes. Net progrès ! D'abord, une phrase pour accompagner son dessin, puis une question  à poser à la classe... J'ai pu alors mesurer l'étendue de ce qu'il avait à apprendre. Même en lisant à voix haute, bien souvent je necomprenais pas ce qu'il avait écrit. 
Alors depuis, il écrit puis me relit, ou me dicte, et nous reprenons ses phrases tout en scandant les mots, en tapant dans les mains, en marchant... Il ne différencie pas syllabes/mots/phrases. Donc je lui demande de tracer un trait au crayon à papier pour chaque mot, nous les "marchons", on vérifie que ça correspond, et il écrit ceux qu'il connaît (en fait c'est ce que je faisais en GS dans les premières expériences d'écri-lire). Parfois, je lui récris également ses  phrases en "mangeant" les espaces, il doit à nouveau scinder les  mots. Et nous travaillons particulièrement la mémorisation de mots
 simples.
 Pour les dessins, ah ! les dessins ! grande inquiétude des parents :  mais que font-ils donc en classe pour avoir le temps de faire autant  de dessins ? Les occasions de faire un dessin sont multiples, même dans une journée de "travail" bien remplie. Pendant la réunion, en écoutant les présentations, en attendant la récré après avoir fini son activité... et même comme activité principale... pour certains.
 Bon, dernièrement, côté dessins, ils s'étaient calmés. Mais j'ai amené un vieil électrophone, des reproductions des Rotoreliefs de Duchamp, et c'est reparti pour un tour (c'est le cas de le dire). En tout cas, c'est magnifique, et comme les enfants ne sont pas persuadés de pouvoir utiliser l'électrophone, ils font ça très silencieusement. C'est déjà pas mal !!!  Ninon (qui devrait pouvoir participer au stage sud-ouest nananère, et que si vous voulez vous viendez)

 

Philippe R

(...) Par exemple "s'asseoir sur les programmes".
Je réentends encore certains du GLEM, lors du salon, le désapprouver totalement.
L'ICEM a évolué ces dernières années vers de nombreux compromis avec l'Education Nationale et les programmes. (ce n'est pas le moi qui le dis mais des Freinetistes lors du congrès de Nice cet été).

Jukiette

 Sur les programmes :

ils ne sont pour nous qu'une donnée parmi tant  d'autres, qui conditionne le milieu que nous étudions (coopérativement), condition pas plus importante qu'une autre, les acacias qui masquent le  soleil du potager par exemple.   

Les programmes ne nous intéressent qu'en tant qu'ils  servent d'outil  de dialogue avec les parents, de base de travail.  parce qu'entendus comme grille de contrat didactique et social, les  programmes, on nous a donné le droit de les interpréter, comme un musicien le ferait  d'une partition ... on nous en a donné le droit, et surtout la responsabilité intellectuelle  et morale, que nous assumons ensemble (adultes, et enfants de nos classes).

Les enfants sont parties prenantes de cette improvisation pédagogique au  sein d'un système vivant. (et mêmes les programmes fluctuent...) Alors nous ne nous asseyons pas dessus, nous en donnons notre  interprétation. Et ce qui nous intéresse, eux et moi... vous et nous, c'est leur  parcours au sein de ce "programme" d'éducation...   Quant aux propositions du livre, elles sont pour moi très clairement  "martiennes ambidextres" et je remarque que notre mouvement a su se reconnaître "extra terrestre" à  la naissance en se baptisant "du 3ème type"...   ce n'est pas un hasard ...  mais c'est un vrai programme éducatif à la  liberté qui y est proposé... on parle bien de propositions concrètes sur une réforme du  système...d'éducation nationale ?  en ce qui concerne la "lisibilité concrète", que j'interprète un peu  vite comme des images de ce que sont les microsystèmes de nos classes et de la  révolution permanente qui y règne,  aucun "modèle didactique de la complexité" ne les épuise encore je  crois....  du moins, il me semble qu'on n'en est pas à cet effort de marketing  externe, on en est juste à un effort de recherche interne...

Sylvain

Ma position sur les programmes est sensiblement la même.

Vous savez bien que je peux difficilement m'asseoir dessus ;^)

En tant que fonctionnaire de l'état, il nous est interdit de ne pas en tenir compte et même de les interpréter. Seulement, leur nature n'induit nullement les voies à emprunter pour les faire respecter. C'est généralement ce que l'on nomme la liberté pédagogique.

Il me semble que notre conception n'est pas de faire des programmes et des informations qu'ils contiennent les données à partir desquelles vont être définies les activités des enfants. Nous considérons plutôt que les compétences qui y correspondent seront une conséquence indirecte de l'impact des structures de classes sur les apprentissages.

Le trois principaux arguments sur lesquels il est possible de s'appuyer pour défendre une telle position sont les suivants :

- la conception de l'apprentissage par la construction de langages prétend que l'acte d'apprendre dépend plus du concept de disponibilité cognitive, c'est à dire l'établissement d'une réseau neuronal suffisamment complexe pour pouvoir accueillir, en particulier, les informations relatives aux programmes.

- Plusieurs éléments de structure des classes oriente l'activité des enfants vers des domaines qui sont formellement relatifs aux programmes. C’est notamment le cas lorsqu’il est question de recherches mathématiques, situations réelles de communication écrite, logiciels éducatifs, brevets, ceintures, plans de travail, ateliers permanents (de sciences, d’Histoire, de géographie), …

- le fait de placer l'activité des enfants comme préoccupation initiale et de situer les programmes comme l'un des produits des projets personnels fait de l'école plus un lieu d'émancipation éducative que d'endoctrinement docilisant.

 En résumé, même si nous ne plaçons pas les textes officiels comme la source de ce qui va régir les journées scolaires, ils ne sont pas pour autant déconsidérés. Je prétends même que nous défendons des dispositifs qui, parce que générateurs d'intelligences, contribuent à une appropriation importante et durable des programmes, dans l’optique d’une adaptation dynamique à la société de demain.

 

Philippe R

Le fait même que les programmes existent est quelque part une injure à nos capacités au même titre d'ailleurs que tous les manuels qui sont découpés par trimestre, période ou semaine.

Je pense qu'on s'assoit finalement bel et bien sur les programmes. D'ailleurs, les avez-vous lu ? Il paraît que les derniers datent de 2002.
Leur contenu est arbitraire ; d'ailleurs, ça change souvent et pire ils supposent que les gamins évoluent de la même manière.

Je pense qu'il ne faut pas que nous confondions le programme et les savoirs normés/sociétaux.

Car, si, pour ma part, je m'assois bel et bien sur le programme, je ne rejette pas les savoirs normés/sociétaux même si ce n'est évidemment pas le plus important (ce qui va d'ailleurs être le sujet d'une rencontre prochaine avec un parent de ma classe au sujet de leur fils qui n'entre pas assez, à leur goût, dans les brevets des savoirs sociétaux).
Je crois qu'il y a confusion entre le programme et les savoirs sociétaux.
 

Sylvain

Je crois que d'un point de vue philosophique et administratif, les programmes sont exactement ce que tu sembles appeler les savoirs normés/sociétaux. Encore faudrait-il que tu conceptualises davantage cette idée.

Je m'explique.

L’acte d’éduquer est décliné par le philosophe O. Reboul selon celui d’élever (éducation spontanée dont le cadre est la famille), de former (préparer l’individu à telle ou telle fonction sociale) et d’enseigner (éducation intentionnelle qui s’exerce au sein des écoles, dont les buts sont explicites et assurés par des professionnels).

La société, régie par son système législatif, s'engage dans la transmission de son patrimoine culturel par l'intermédiaire de l'école. En échange de cette obligation, elle fait en sorte de rendre l'école gratuite (puis laïque, en France tout du moins).

La nature de ce patrimoine culturel est établie selon trois critères (la valeur formelle des disciplines, les capacités moyennes des enfants aux différents âges, l'utilité individuelle et sociale des matières enseignées - E. Planchard) dont la définition est de la compétence du ministre.. Leur élaboration se fait dans divers groupes de travail constitués au sein des directions pédagogiques et réunissant en général des enseignants, des formateurs, des inspecteurs et plus récemment des chercheurs en éducation. Les propositions émanant de ces groupes, avant décision, font l'objet de multiples consultations, notamment auprès des syndicats d'enseignants et des associations de parents d'élèves. Ils sont également soumis à l'avis du Conseil supérieur de l'EN. Depuis la loi de 1989, c'est le "conseil national des programmes" qui se charge de la validation des propositions.

Ces programmes sont publiés sous la forme de textes réglementaires (lois, circulaires, arrêtés) et sont donc obligatoires pour tous les enseignants. Ceux-ci ont le statut de fonctionnaire d'état justement pour permettre et garantir le respect de ces programmes auprès de tous les enfants de la nation. De part la reconnaissance du fait qu'il peut y avoir une forte distorsion entre ce qui est enseigné et ce qui est appris par les élèves, les programmes évitent généralement de désigner les méthodes pédagogiques et prétextent la liberté pédagogique des enseignants pour ne pas devoir résoudre l'impossible quadrature du cercle que soulève la question des acquisitions. C’est ici que nous pouvons intervenir, en tant que spécialistes conscients d’un certains nombre de phénomènes inhérents à l’acte d’apprendre.

L’existence de programmes ne tend donc pas à « injurier les capacités des enseignants » mais bien à tenter de garantir auprès de tous les enfants ce fameux patrimoine culturel, qui est certes contextuel et donc discutable, nécessaire à la formation humaine et citoyenne. Cela permet entre autres que tes enfants, s’ils rencontrent un enseignant intégriste dans ses pratiques religieuses par exemple, n’aient pas à subir son influence personnelle et philosophique. De manière plus large, cela garantit en partie que ce qu’un enfant va apprendre dans une classe ne dépende pas forcément de l’enseignant qu’il aura.

Je crois qu’on a plutôt intérêt à lire et à connaître les textes qui régissent notre fonction d’enseignant. Sinon, ya la solution de création d’écoles privées hors contrat mais qui ne font que reporter l’échéance (les enfants devront tout autant passer des évaluations sur leurs acquis) et posent tout un tas de questions sur les bénéficiaires de la richesse de nos pratiques.

 

Philippe R

Ton message Sylvain reste dans une logique tayloriste.

Je suis un fonctionnaire, j'ai un programme, tiens j'ai un enfant du cycle 2 que je vais passer au cycle 3 mais qui n'a pas vu le passé composé. Il faut donc qu'il s'y colle.
Je sais qu'il n'est pas prêt, qu'il va construire une relation négative avec le savoir ou le domaine avec lequel il va associer ce putain de Passé composé, que la relation au savoir est plus important que le savoir lui-même, mais je suis un fonctionnaire, j'ai un programme ....

 

Sylvain

Le taylorisme, c'est autre chose, c'est "comme une chaîne industrielle où chaque étape de la production est soigneusement déterminée après un découpage aussi rationnel que possible des différentes phases" (DTSSEV, p 18) Or, à ma connaissance, personne ne contraint les enseignants à entrer dans cette logique pour l'école, et c'est bien le drâme puisqu'on en retrouve un paquet qui y sont.

Rappeler que connaître et respecter les programmes est une obligation est de toute autre nature puisque cela n'implique pas (pas encore en tout cas et il faudrait se battre davantage pour concerver cette liberté fondamentale) les voies et chemins à débroussailler pour y arriver.

Je reprécise que tout le monde est bien conscient qu'il y a une forte distorsion entre ce qu'un enseignant enseigne et ce qu'un élève apprend, et que la plupart du temps c'est justement en raison de choix pédagogiques tayloristes que cet écart est important et inéquitaire.

Pour cette histoire de passé composé, si tu as fait ton travail de permettre à cet enfant de l'acquérir, tu as fait ton boulot, et ce, quels que soient les moyens utilisés. La politique des cycles de 89 prévoit même que les enfants apprennent sur de la durée. En revanche, si tu uses comme argument que ce n'est pas de ton ressort, il y a souci puisque transgression d'une loi.

 

Pour résumer, ce n'est pas parce qu'on situe les programmes au niveau des lois qu'on entre dans la logique tayloriste. Heureusement que beaucoup d'enseignants ont cette intelligence.

 

J'espère avoir été un petit peu plus clair.

 

Pour l'anecdote, je crois bien que la compétence du passé composé n'intervient qu'au cycle III, au cycle II étant surtout réservée la reconnaissance des verbes et des temps composés ...

 

Philippe R
L'environnement permet à l'enfant de s'y confronter mais il n'est pas encore prêt.
L'environnement permet donc d'acquérir des savoirs sociétaux/normés qui sont ou qui ne sont pas dans le programme ; ce qui fait dire qu'on s'assoit sur le programme puisqu'on se fout si le savoir sociétal en question en fait partie (la lecture des nouveaux programmes devient donc complètement inutile) mais l'enfant les voit ou ne les voit pas selon sa volonté ou de la mienne. Dans le dernier cas, c'est-à-dire ma volonté (et qui n'est donc plus le programme !), je peux m'assoir alors aussi sur ces savoirs sociétaux à ce moment et donc à un programme qui émane ou non de l'Education Nationale.
Les parents comprennent très bien cela ; normal, puisque c'est l'intérêt du gamin qui est au centre et non le programme.

 

Sylvain

Tout ce qui constitue l'environnement de la classe peut effectivement faire partie d'un argumentaire de suivi des programmes.

En revanche le critère de satisfaction des parents m'apparaît comme des plus tendancieux et ce que tu vis à St Sorlin n'est malheureusement pas identique ailleurs.

En faisant de la sorte sur La Paillade, on devrait se rabattre sur des pratiques rustiques qui feraient des enfants des moutons dont les déviances seraient traitées avec des coups et autres brimades. L'apprentissage de la lecture se ferait par pur syllabisme ("puisque c'est comme ça que la télé elle dit de faire") et la correspondance n'aurait pas de place, tout comme les réunions puisque ça ne sert à rien. Et j'en passe.

 

Difficiles réalités ...

Juliette

"De manière plus large, cela garantit en partie que ce qu’un enfant
va apprendre dans une classe ne dépende pas forcément de l’enseignant
qu’il aura." dixit Sylvain.


"pas forcément" c'est dans cet interstice que je place ma réponse:


Je crois savoir qu'on n'enseigne que ce qu'on est, ontologiquement.
Or l'Humain se targue d'esprit de justice, cette fameuse "universalité"
rationnaliste...
enfin, il se rassure comme il peut, surtout l'homme des Lumières :
il se définit par des lois, pour tenter de se mettre en harmonie avec
ses semblables.
(dans un monde où tout serait calme, luxe et volupté...)
Heureusement l'existence même de ces Lois (prototype : les programmes)
leur donne le statut nécessaire et suffisant pour exister dans ce qu'on
est;

comme ce qu'on vit (existe) dépend intimement de ce qu'on est et de ce
que l'on pense,
dès lors que tu deviens instit tu intègres cette notion de programme,
et ton cerveau s'assied dessus en connaissance de cause, tout
tranquillement...


Et Sylvain aussi s'assied dessus (mais oui, avec ton air paisible,
tu les a cantonnés sur un pan de mur de sa classe les programmes
(et toi Philippe dans un portable... ou dans un logiciel magnifique...);

vous êtes tout en nuances dialectiques et didactiques les gars!

Philippe R

Toutefois, même si nous aimerions que ça se passe ainsi, nous sommes dans un processus et nous devons composer avec les collègues, les parents et l'éventuelle peur d'une future inspection. C'est pourquoi, je n'ai pas honte car je pense rester cohérent avec ce que j'ai dit préalablement (compte tenu qu'il faille composer, ce qui fait partie du processus) en leur donnant des fiches-outils/leçons de savoirs sociétaux figurant dans un programme défini subjectivement (je n'ai pas besoin pour cela de lire les nouveaux programmes). Ce qui d'ailleurs, par moment, me révèle des erreurs pédagogiques de ma part et me confirment par la même occasion qu'il faudrait donc, pour l'intérêt pour l'enfant, s'asseoir sur les programmes.

Nous sommes donc amener à composer, à faire preuve de stratégies. Difficiles réalités comme tu le dis mais on garde le cap : "s'asseoir sur les programmes".

Rolland L

Comme vous tous ?, je rêve de m'asseoir" également sur les programmes, c'est même pour ça que j'ai foncé vers les classes uniques en sortant de l'IUFM, après avoir visité la CU de JM Calvi...
Il me semblait que c'était bien l'endroit où on ne pouvait pas faire autrement que de s'en passer !
Mais pas facile d'arriver au fonctionnement décrit dans les classes des 2 Philippes. J'ai vite été rattrapé par les doutes et la peur de mal faire ! de porter préjudice aux enfants.... Après tout, si au bout des 4 ans passés ensemble, ils arrivaient au collège sans être à leur meilleur niveau, faute
d'une pratique trop "laxiste" ?, pas assez proche des attentes
institutionnelles ?
J'en suis arrivé à la CLIS, car encore une fois, je voulais échapper aux programmes qui prenaient trop de place !
De plus en plus ma classe fonctionne en ateliers, les enfants choisissent....
Je me fais plaisir !
Mais ça ne supprime pas l'angoisse. Et même elle se fait plus forte car avec les élèves que j'ai, il faut(drait) davantage de lisibilité, de cadre, de sécurité, de répétitions, de "mécanismes".
Et donc, des fois, les programmes me rassurent, me donnent des repères, des
balises, ...
 

Pascale

1) Ils sont tellement nombreux, touffus, épais que sur une chaise ça fait un super "réhausseur" pour les gamins du CP qui veulent bosser aux tables normalement calibrées pour des CE1!(Quand j'étais trop petite pour m'asseoir à la table des grands,  mon père sortait, lui, un ou deux volumes du Larousse familial.....) 

2) Dans ma classe, je les affiche. Pas pour l'IEN mais justement, pour les mômes et leurs familles. Pour qu'ils sachent ce qu'on attend d'eux dès le début.

Après, j'explique tout de suite aux parents que s'ils ont des aînés ou la curiosité de lire ceux des autres classes du primaire, ils vont trouver plein de répétitions et qu'il ne faut vraiment pas se biler pour la conjugaison et la grammaire (par ex) au CE1 puisqu'au CE2, rien de nouveau, ils recommenceront tout à 0.

3) Depuis la rentrée de Février, nous avons écrit sur des affiches de ciné récupérées (oui, c'est génial en grand format parce que c'est plié et on a 16 cases...) des "zobjectifs ou compétences" ( je ne sais toujours pas bien trier!) que les enfants avaient envie de travailler et que , tant qu'à faire, on avait vus sur le livret d'évaluation en vigueur dans l'école.

Dans chaque case un tableau à db entrée avec les prénoms et dix cases par gamin. Lorsqu'un enfant veut travailler sur une notion, il fait une croix au crayon. Sur son cahier de TP ou sur une feuille libre, il fait un boulot y correspondant (plein de spécimens, des fiches PEMF, des photocopies à commander à la  maîtresse....ils ont le choix) et lorsqu'il a fini, je corrige. La case est alors coloriée selon le niveau de réussite.

Après 3 cases vertes on peut laisser tomber la notion qui est considérée  comme acquise et passer son brevet.

Pour l'instant on bosse sur 8 notions en maths et 8 en français et elles ont été choisies non pas en fonction d'une progression imposée par la maîtresse mais des demandes ou des intérêts des enfants.

Les programmes nous ont servi de repères mais en aucun cas de limites puisque certains enfants du CE1 ont déjà entamé le "programme" du CE2 en maths et produisent des textes bien plus construits et bien plus longs que ceux des CM1 ( d'une autre classe) qui les tutoraient au 1er trimestre!  

Bon, voilà, c'était juste un "écho" et, en fait, je suis à la fois d'accord avec Philippe et avec Sylvain ( super argumentaire Sylvain!), c'est malin! J'aime pas les jeux d'opposition ou de compétition, c'est pour ça que je me suis faite  "VRP" des jeux coopératifs dans mon école....et ça marche, on grignote du terrain tous les jours et le collègues de l'USEP est ravi parce que ça développe l'esprit d'équipe qui faisait furieusement défaut à certains.....